Pièces électroacoustiques… ou chemins empruntés pour passer de la voix comme matière sonore centrale et quasi unique à la composition avec des sons nés de la manipulation de matériaux et d’objets du quotidien et d’ailleurs.
La disparition… celle, inflexible, violente, sans appel, créée par la mort. La mort en train de se produire, un 22 mai 1990 à 17H tandis que les mots tentent de retenir la vie qui se délite, et que s’agite, en lutte déjà contre l’ombre, un pan vivace de soi-même. Les bruits de la vie dont on perçoit d’abord le battement enfantin cèdent la place aux mots qui crépitent comme un grésillement d’insectes jetés sur la lampe. Passage délicat sans autres tambours que ceux qui cognent à l’intérieur.
Lorsque je suis triste ou fatiguée, que les mots me manquent, je me jette dans le grommelot comme d’autres dans l’alcool. Je choisis une langue, celle dont je vais embrasser les intonations, les accents, le rythme. Puis je ferme les yeux, me joue des diktats à faire sens, et plonge nue, aussi sonore que saugrenue, dans l’abreuvoir d’une langue inventée.
De 2015 à 2022, je suis intervenue au centre pénitentiaire de St Quentin Fallavier pour des ateliers d’écriture et de philo. La prison est un lieu extrêmement bruyant ; ouverture et fermeture des portes, surveillants bardés de clés… d’autant plus bruyant que l’enfermement réduit le champ de vision et que l’oreille doit alors seule s’aiguiser pour identifier les sons violents et anxiogènes. Intramuros transcrit sans avoir recours aux sons réels mais en empruntant leurs caractéristiques : crissements, grincements, grattements, cette matière dense, sans oxygène, composite qui peuple la nuit des détenus et sur laquelle ils doivent aussi s’appuyer pour sortir un peu de leur ombre.